B/20 : Tu parles d’une histoire !
Miguel avait bien fait les choses pour l’anniversaire de ses filles. Il avait acheté des ballons et tout plein de jouets qu’il leur destinait comme cadeaux.
Ce Miguel m’étonnera toujours, pensa Vilma, même si j’en voudrais pas comme mari, on peut pas lui reprocher d’être un mauvais père.
- Ah, salut Joë ! On n’attendait plus que toi mon vieux, lança-t-il, Wendy dans les bras.
Une fois les bougies soufflées, il se promettait de lui tirer les vers du nez
A la une, à la deux, à la trois… Whizzzz ! Wendy grandit dans une pluie de confettis.
Ben, dis-donc, ça s’arrangeait pas ! La mère Ladentelle pétait les plombs. Vous avez vu ce qu’elle avait mis comme tenue dans le colis ? C’était encore pire que pour Angie. Je sais pas, elle devait avoir un stock de costumes ringards à refiler…
Quand ce fut au tour de Jenny, Miguel proposa à André
- Ca te dirait d’être son parrain ? Je crois que tu l’as bien mérité.
André accepta avec empressement. Il était très flatté, et puis c’était pas faux de dire qu’il l’avait mérité. S’il avait dû lui facturer les heures qu’ils avaient passées à s’occuper des bébés, Vilma et lui… mais-bon, puisque Miguel s’en souvenait c’était déjà ça.
Et zou ! Un costume de guêpe maintenant, lui manquait plus que les ailes.
Miguel se promit que dès qu’il aurait le temps il enverrait une lettre sonnée à l’administration. Nan-mais c’est vrai, faut pas se foutre du monde ! A la retraite Ladentelle ! Ca ressemblait à quoi de la garder préposée aux colis ? Elle était complètement sénile, c’était évident.
Eeeeenfin ! (soupir) à part les vêtements, que même si on l’avait payé pour ça, il aurait refusé de les porter, Miguel pouvait être fier de ses filles : Deux adorables bambines, qui avaient grandi en miracles de la nature.
Miguel s’adressa à Vilma
- Tu peux aller chercher Angie maintenant, à son tour de souffler les bougies.
Vilma ne se le fit pas dire deux fois. Elle était si fière de sa filleule. Et puis, elle au moins, elle portait la jolie petite robe qu’elle lui avait offert, pas un costume ridicule.
- Je peux souffler, marraine ? Je peux souffler ? s’impatienta Angie.
- Oui, mon cœur, vas-y, souffle ! Applique-toi, faut les souffler d’un seul coup, hein ! Je compte sur toi.
- Attends, je vais chercher le caméscope, ordonna Miguel.
Et c’est ainsi que nous n’aurons pas de photos de la transformation d’Angie. Parce que cet andouille de Miguel avait tout simplement oublié de mettre une cassette dans le caméscope. Mais d’un avis unanime, Angie grandit bien et même très bien.
C’est alors que les choses s’envenimèrent entre Joë et André.
- Je suppose que tu vas encore dire que c’est grâce à toi si la fête d’anniversaire est réussie, lança Joë en guise de hors d’œuvre.
André sortit de ses gonds
- Toi, Joë, t’aurais tout intérêt à te faire oublier. On m’y reprendra à te rendre service !
- Ah-ha, me rendre service ! On t’avait rien demandé, je te signale. Je t’avais pourtant prévenu que je voulais l’organiser moi-même, mon mariage ! Mais-non, monsieur-je-mêle-de-tout, fallait qu’il se fasse valoir, pensez donc ! Tu m’as pourri ma fête ! C’est tout ce que t’as fait.
- Quoi ?! Quoi ?! Je t’ai pourri, ta fête ? C’était peut-être pas l’éclate totale, ta fête ?
- En tous cas, t’as perdu la main. Parce que celle de Miguel, ha-ha, elle était sympa sans plus. Ca te cloue le bec, ça, hein ?!
- La faute à qui ?! répliqua André. Je vais te le dire, la faute à qui : A toi ! Si tu crois que personne a remarqué que t’avais pas arrêté de me chercher. T’es qu’un ingrat, Joë, un ingrat et un connard ! ajouta-t-il pour faire bonne mesure.
Ca faisait trop longtemps que ça le démangeait. Joë lui refila une paire de claques.
- Ah, je suis qu’un gros con ! Ben tiens, il a oublié de te remercier, le connard. C’est tout ce que tu mérites !
Bien sûr, André n’allait pas encaisser ça sans broncher.
Il lui rendit la monnaie de sa pièce tandis qu’Angie courait avertir tout le monde
- MAMAN ! MARRAINE ! ILS SE BATTENT !!
Maman et marraine avaient autre chose à penser. La maison était infestée de cafards. - Tu vas pas voir ce qui se passe, Vilma ? suggéra Laurène en finissant la vaisselle de la journée. Vilma était allée se coucher. Laurène n’aspirait qu’à en faire autant. Cette journée avait été épuisante. Elle prit encore le temps de mettre Jenny sur le pot et cria à Miguel - Bon, Joë, le devoir m’appelle. Je crois qu’il faut qu’on se quitte, là. T’en fais pas, mon vieux, ça va s’arranger, vos affaires. Ah-merci ! Pour mettre Wendy au lit, il avait dû enjamber une mare. Là aussi les nounous s’étaient lâchées. Sont vraiment dégueulasses ces vieilles. Pouvaient pas nettoyer leurs saletés ? Fallait pas compter sur lui pour le faire, demain, la Karine serait priée de passer la serpillière. Les nerfs à vif, Joë n’avait pas voulu rentrer chez lui, Mandy aurait bien remarqué qu’il n’était pas dans son état normal. Il avait vu les lumières du centre commercial et s’était arrêté au café où il passait en revue les évènements de la soirée. Son attention se porta sur un gugus qui se prenait pour Tarzan, Je t’en fiche ! Jean-Paul l’avait repéré et était venu s’installer à ses côtés. La honte ! Bien obligé de lui avouer qu’il était invité aussi. - Parce que ?? T’as revu André ? interrogea Jean-Paul. Pensez si ça l’intéressait cette affaire ! Joë prit la chose à la légère. - Que tu dis ! laissa tomber Jean-Paul, ce qui eut pour effet de stopper Joë une fraction de seconde. Mais lui demander ce qu’il entendait par là, c’était repartir dans des explications à n’en plus finir. Il préféra ignorer la remarque, d’autant que Jean-Paul, s’avisant de l’heure tardive, annonçait à son tour :
- Qu’est ce que tu racontes, Angie ? Qui c’est qui se bat ? interrogea Laurène.
- Joë et André, en plus André, il sent mauvais. Peut-être que c’est pour ça qu’ils se battent ?
- Meuh-non, on se bat pas parce qu’on sent mauvais, ça se saurait, commenta Vilma occupée à vaporiser les cafards.
- Tu devrais aller te coucher, Angie, c’est des histoires de grandes personnes, ça regarde pas les petites filles comme toi, conclut Laurène.
- Nan, qu’ils se débrouillent, c’est leurs affaires, je veux pas m’en mêler. Ca c’est bien les hommes : Y a une tonne de choses à faire, toute la maison à ranger et ça perd son temps à se bagarrer… Voilà, je crois que je les ai tous eus, mais faudrait peut-être mieux appeler un désinsectiseur demain, on sait jamais, des fois il en resterait encore sous les meubles.
- Miguel, je suis crevée, je vais me coucher ! Tu t’occuperas de Wendy ?
Quelle idée, nan-mais quelle idée il avait eue de lui demander des explications. Il avait pas arrêté de le saouler avec son histoire de fête, qu’André il aurait dit que c’était grâce à lui qu’elle était si bien… -tu parles qu’elle était bien ! Et qu’il l’aurait traité de connard, et que… est ce que je sais ? Tout un pataquès pour pas grand chose –si vous voulez son avis. Mais aussi, il aurait dû s’en douter que ça valait pas le coup. Le Joë, il avait toujours eu l’art de faire des histoires pour rien. C’était un vrai parano, ce type. C’était les autres, avec leurs airs de conspirateurs, qui lui avaient mis l’eau à la bouche. Pouvaient pas lui dire une bonne fois ce qu’il en était ? Alors que là, il croyait… et puis nan, rien à gratter.
Sauf qu’Angie… son bon cœur la perdra.
- Laisse, papa, je vais nettoyer ça. On va quand même pas respirer cette odeur toute la nuit, avait-elle proposé. Faut dire qu’elle était chaussée pour… C’était quoi encore ces chaussons pourris ? Nan, décidément, faudrait qu’il retourne en ville acheter des vêtements décents pour ses filles.
Il fallait qu’il se calme. Cette altercation avec André avait pris des proportions démesurées, si on considérait qu’après tout, y avait pas eu mort d’homme. Bon, André s’était accaparé sa fête de mariage, mais lui, il avait promis à Mandy de passer l’éponge…
Mais quand même, il l’avait traité de connard, cet enfoiré ! Une houle de haine le submergea de nouveau.
- Hé, visez un peu les muscles ! C’est pas du béton, ça madame ?
Y en a vraiment qui doutent de rien, songea Joë. Mais… mais, nan, pas possible, il ressemblait… nan, il ressemblait pas, c’était… c’était bien Jean-Paul ! Il se ratatina derrière le comptoir. Pourvu qu’il l’ait pas remarqué.
- Joë ! Quelle surprise ! Qu’est ce tu fous là ? Tu devrais pas être chez toi à cette heure là ? Garçon, servez-nous deux cafés ! Si-si, je mourrais justement d’envie d’offrir un café à quelqu’un ! ajouta-t-il devant les dénégations de Joë.
Puisque fallait y passer…
- Et toi ? Sally va pas s’inquiéter ? lui retourna Joë en réponse à sa question.
- Beuh-nan, Sally était invitée chez Laurène et Miguel pour fêter les anniversaires des filles, alors, j’en ai profité pour venir faire quelques brasses à la piscine.
- C’est fini, les anniversaires, lâcha Joë.
La gaffe ! Jean-Paul rebondit aussitôt.
- Qu’est ce t’en sais ? Tu y étais ?
- Toi ! Miguel t’as invité toi ?! Alors là, tu me la coupes, mon vieux. Depuis quand vous êtes copains ?
- Je sais pas si on est copains, ou s’il voudrait qu’on le devienne, en tous cas, il m’a invité. Il m’a invité, et c’était pas la meilleure idée qu’il ait eue. Si j’avais su, j’aurais écouté Mandy et je serais resté tranquille chez moi, à étudier, expliqua Joë.
- Oui.
Jean-Paul, la langue pendante :
- Alors ??? Alors, comment ça s’est passé ? Vous-vous êtes cognés dessus ?
Comment il avait deviné ?
- Disons que JE lui ai cogné dessus, rectifia Joë. Il ne tenait pas à ce que Jean-Paul sache qu’André lui avait rendu sa gifle. C’était quand même SON honneur qui était en jeu.
- Tu parles d’une histoire ! se réjouit Jean-Paul. -Il allait avoir de quoi alimenter le quartier en ragots pendant au moins une semaine. Et allez donc, un petit peu d’huile sur le feu, ça mange pas de pain ! Il ajouta :
- A ta place, je méfierais, je connais André, c’est un teigneux, il va pas en rester là.
- Qu’est ce que tu veux qu’il fasse ? On se verra plus, c’est pas plus mal. De toutes façons, j’ai jamais pu l’encadrer. Bon, écoute, vieux, c’est pas que je m’ennuie, mais Mandy va se demander ce que je fais, je lui avais dit que je serais pas long.
- Tu vas la mettre au courant ? questionna encore Jean-Paul
- Je sais pas… nan, je crois pas. Je vois pas pourquoi je l’inquiéterais avec ça. C’est une histoire réglée maintenant.
- Oh-la-la, faut que je me rentre, moi ! Sally va pas être contente.