B/22 du côté de chez eux
Nous étions assez fatigués en rentrant du mariage et Abdoul avait déclaré qu’il n’avait pas faim. J’avais donc cuisiné un gratin de macaronis pour moi seule et je réfléchissais aux évènements de la journée. Au bout du compte, le mariage ne s’était pas si mal passé. Miguel avait bien montré quelques signes de mauvaise humeur, en refusant de porter son costume de marié, mais il avait fini par avoir l’air d’accepter la chose. J’étais bien contente pour Laurène. Trois enfants, ça demande quand même une certaine sécurité, et le mariage, même si c’est plus vraiment une garantie, c’est quand même la pierre de base de la famille. Et puis, elle qui a toujours rêvé de fêter ses noces d’or, fallait bien commencer par là.
Abdoul, me tira de mes réflexions
- Tu penses à quoi, Dona ? Tu voudrais pas me rejoindre sur le canapé, qu’on discute ?
Il avait envie de parler ? Je m’empressai de laver mon bol et allai m’asseoir à ses côtés.
- De quoi tu voudrais qu’on discute ?
- Ben, je sais pas, moi, de tout et de rien. On s’est pratiquement pas vus de la journée.
- Ah, forcément, t’as passé tout ton temps dans le bain à remous. C’est fou, ça ! Chaque fois qu’on est invités à un mariage, tu sautes dans le bain à remous. A croire que les mariages, ça t’embête.
- En tous cas, celui-là, je m’en serais bien passé, me répondit-il. T’as vu cette histoire entre Joë et André ?
Je l’arrêtai
- M’en parle pas ! Tout ça pour trois fois rien, en fin de compte. Je croyais Joë plus raisonnable.
- Raisonnable, reprit Abdoul. Je sais pas si on peut parler de « raisonnable » s’agissant de Joë. Intelligent, instruit, cultivé, d’accord mais raisonnable... il est bourré de complexes ce gars là. On jurerait qu’il a une revanche à prendre. M’enfin, hein, il a réussi à torpiller la fête de Miguel et ça, c’est pas une mauvaise chose. Ca lui a fait voir un peu, l’effet que ça fait. Peut être que maintenant il réfléchira à deux fois avant de bousiller celle des autres.
- Non-mais dis-donc, toi ! Tu serais pas un peu rancunier aussi ? Hein ? Hein ? dis-je en le chatouillant sous les côtes. Abdoul riait, il suppliait
- Arrête, Dona, tu me feras mourir !
Mais je continuais de plus belle, jusqu’au moment, où je lui fis grâce et notre bataille prit fin sur un long baiser langoureux.
D’un commun accord, nous avions décidé que je travaillerais jusqu’au dernier moment. Quelle idée, j’avais eue de choisir la carrière sportive ! Le costume de mascotte dont j’étais affublée, même si elle camouflait bien ma grossesse, me sortait par les yeux.
- J’ai honte, Abdoul, je me sens si ridicule ! lui confiai-je avant de monter dans le tacot que les dirigeants mettaient à ma disposition.
Il tenta de me rassurer
- Meuh-nan, t’es pas ridicule ! T’es jamais ridicule, Dona. S’il y a une seule femme qui arrive à ne pas être ridicule avec ce… avec… il finit sur un éclat de rire.
Je triomphai et le mis au défit
- Ah, tu vois bien ! Dis-moi sans rire, que je te plais encore comme ça, et je te croirai.
Il fit mieux, il me le prouva en m’embrassant amoureusement.
- Et puis, t’en fais pas, ajouta-t-il, ils te garderont pas longtemps comme mascotte. Tu vaux cent mille fois mieux que ça.
Durant le trajet, je m’accrochai à cette idée : Puisse-t-il dire vrai ! C’est qu’on en avait besoin de cette paye, aussi modeste soit-elle.
Alléluia ! Mes vœux ont été entendus. Le soir même je rentrai avec une promotion. Quand j’annonçai la nouvelle à Abdoul, il s’écria
- Ah, mais on est en train de devenir riches, on va bientôt rouler sur l’or !
J’étais beaucoup moins optimiste,
- Rouler sur l’or… je dirais pas ça, je gagne quand même que 285 $ par jour, et avec tes 460… disons qu’on a de quoi voir venir, sans plus. Le problème avec ces métiers, c’est que tant que t’es pas en haut de l’échelle, le salaire suit pas.
- Ah-mais, je t’ai pas dit ? Moi aussi j’ai eu une promotion, m’annonça Abdoul. J’ai un vrai bureau qui ferme à clé maintenant, je fais partie des cadres. Attends un peu que je leur montre de quoi je suis capable, j’ai pas fini de faire mon trou. Si on allait fêter ça en amoureux ?
- Dans mon état ! me récriai-je. Ce ne serait pas très raisonnable.
- Mais, on est pas obligés de sortir, on peut fêter ça à la maison, au premier pour être précis, si tu vois ce que je veux dire…
Abdoul et ses sous-entendus… mais-bon, je vais pas jouer les oies blanches. Je suis toujours partante pour ce genre de fête, du moment que c’est lui qui organise.
Nounou Karine tenait pas la grande forme en reprenant son travail ce matin. Elle se payait ded’ces maux de crâne, c’était quelque chose ! Rien que l’idée qu’il allait falloir s’occuper des bambines, pffiou ! Rien que d’y penser, ça la fatiguait déjà. Fallait pas s’attendre à ce qu’elle fasse grand chose de la journée.
- Comme d’hab, aurait dit Miguel.
Ca tombait mal, parce que Miguel et Laurène aussi, avaient décidé de récupérer de leur nuit de noces en s’offrant une journée de congés. Miguel avait commencé par faire le zouave dans la baignoire. - C’était une sacrée bonne chose cette baignoire ! On pouvait s’y amuser grave. Comment qu’il avait pu s’en passer jusque là ? On se le demande.
- Ohé, Laurène, je vois la terre !
L’aurait mieux fait de voir la crasse, mais il regardait pas du bon côté.
Laurène, elle, elle l’avait bien vue la crasse. Mais pourquoi c’est elle qui la nettoierait, d’abord ? C’était pas sa crasse à elle, puisqu’elle passait après Miguel. Et puis on avait dit qu’on se prenait une journée de congés. Donc elle était en congés !
- Miguel, puisqu’on aurait dit qu’on serait en congés, tu voudrais pas m’emmener en ville ? demanda Laurène entre deux cuillères de corn flakes préparés par Vilma.
Hou là, où elle allait comme ça ? Elle avait quand même pas l’intention de s’offrir encore une nouvelle robe ? Ca commençait à bien faire les nouvelles robes ! Les prochaines nouvelles robes, c’était pour les filles. Pas toujours pour les mêmes, les frais ! Ca lui coûtait pas cher à elle, l’argent.
Miguel, machiavélique :
- C’est pas que je t’y emmènerais pas, mais tu vois, j’ai ma mécanique à potasser, tout ça… et pourquoi tu voudrais y aller en ville, d’abord ?
- Haaan, Miguel ! sois gentil, tu me déposes en ville, ça te prendra pas longtemps, implora Laurène. Je voudrais aller chez le coiffeur, me faut un traitement pour mes cheveux. Je les perds par poignées, j’en ai foutu plein la baignoire.
Le coiffeur ? Mais ça coûtait encore la peau des fesses, ce truc là. Est ce qu’il y allait, lui, au coiffeur ? Quoique, si elle perdait ses cheveux, fallait faire quelque chose quand même, il voudrait pas d’une bonne femme chauve. Il céda
- Bon, d’accord, je t’y emmène, mais juste le coiffeur, alors. J’ai plein de trucs à faire ici.
Mais alors ? Si la nounou voulait rien foutre –comme d’hab- et que Laurène et Miguel allaient en ville, QUI allait s’occuper des filles ? Ben-ben-ben, y avait-y pas André et Vilma ?
Sauf qu’André, il avait projeté d’aller emmerder Joë aujourd’hui, et ça faisait pas du tout ses affaires. Il était pas à prendre avec des pincettes.
- Où ils sont encore partis ?! pestait-il. Y commence à y en avoir marre de se taper le boulot à leur place, c’était pas dit qu’ils devaient déménager après le mariage, ceux-là ?
Vilma s’étonna de le voir si remonté,
- Ben mon loulou, qu’est ce qui t’arrive ? Tu dis jamais rien d’habitude.
Ben justement ! C’était bien parce qu’il disait rien qu’ils en prenaient à leur aise. A force d’être bon… Ca faisait déjà un petit moment qu’il avait commencé à se dire que les Damor exagéraient. Si ça avait pas été pour les petites, y a longtemps qu’il aurait mis les pieds dans le plat. Il avait pourtant espéré qu’une fois qu’elles auraient grandi, ils auraient enfin pu se retrouver en tête à tête, Vilma et lui. Tandis que là… y avait pas de raison pour que ça s’arrête. Ils étaient coincés, prisonniers, -ouais, prisonniers-, pendant que Miguel et Laurène se la coulaient douce. Elle avait donc pas remarqué ça, elle ?
- Oh, prisonniers… là c’est toi qu’exagères, releva Vilma. Si on le fait, c’est qu’on veut bien.
Oui-ben nan ! Lui, il voulait plus. Y en avait marre et plus que marre. Ils allaient pas leur donner un coup de main pour les élever comme ça jusqu’à l’université. L’était temps de penser à eux, aussi. Tel que c’était parti, ils se voyait bien convoler à 50 balais et qu’est ce qui lui resterait pour avoir des enfants à lui ? L’adoption ?
- Bonjour tonton, j’espère que tu m’as laissé de la vaisselle, j’adore faire la vaisselle, moi
Tonton, maintenant… quand il disait qu’ils étaient pas sortis de l’auberge ! Même Angie qui considérait qu’ils faisaient partie de la famille. Vilma n’était QUE sa marraine, pas sa tante, nom d’un Sim.
- M’appelle pas tonton, ça m’énerve ! lança-t-il d’un ton acerbe. Puis, plantant là sa préparation : Bon, faut que j’aille me changer les idées, Vilma, je vais faire un petit footing jusqu’au lotissement, je te laisse les gosses. T’as qu’à demander à Karine qu’elle fasse son boulot, pour une fois.
Qu’est ce qui lui prenait, à André ? Vilma l’avait jamais vu sous cet angle. D’habitude, il rechignait pas à s’occuper des gamins. Il avait pas toujours dit qu’il adorait les gosses ?
- Madame Vilma, qu’est ce que je fais de ça ?
Rha, la Karine… tu parles d’une plaie. Pas fichue de prendre une initiative.
- Vous le tenez comme ça à bout de bras ou vous le foutez à la poubelle, c’est vous qui choisissez, Karine.
Elle haussa les épaules en l’entendant marmonner
- Ah, merci l’amabilité ! C'est un plaisir de travailler dans ces conditions!
Vilma se servit un café. Elle avait besoin de réfléchir. Et quand elle prenait le temps de la réflexion, elle parvenait à des conclusions logiques.
Qu’est ce qu’il disait, déjà, André ? « Tel que c’était parti, ils se voyait bien convoler à 50 balais ». 50 balais, quelle horreur ! Comment elle fêterait ses noces d’or ? Elle approchait de la trentaine, il était grand temps qu’elle y pense. D’autant que d’après ce qu’elle avait pu lire dans le Daily Sim, on parlait de restrictions sévères concernant l’élixir de vie : Deux bouteilles par couple, pas plus. Bon, sa décision était prise. Ce soir, elle parlerait à Laurène. Il fallait qu’ils se décident : soit ils partaient, soit elle partait avec André et les laisserait se débrouiller. Après tout, malgré toute l’affection qu’elle avait pour Angie, c’était jamais que sa filleule, pas sa fille.
Ignorant que les jours de tranquillité relative leur étaient désormais comptés, les Damor rentraient de leur ballade en ville.
- J’ai bien fait de me faire faire une nouvelle couleur, hein Miguel ? Et puis, il m’a fait une permanente, comme ça, plus de soucis de bigoudis. Tu la trouves comment, toi, ma nouvelle coiffure ? Hein, Miguel ? MIGUEL, TU M’ECOUTES ?!
Pénible !! Qu’est ce qu’elle pouvait être pénible quand elle s’y mettait ! Ouais-bon, la coiffure, elle était pas trop mal, ce qui l’était moins, c’était la ponction sur le porte-monnaie. On devrait jamais faire confiance aux bonnes femmes. Ca dit que ça va juste se faire faire un petit traitement, ça revient complètement transformées. Ah, il savait y faire le coiffeur ! « Je vous conseillerais une petite couleur, madame Damor, et puis, si j’étais vous, je ferais une permanente, c’est ce qu’il y a de mieux quand on perd ses cheveux. Je vous joins le baume après shampoing ? Voui, c’est un peu cher, mais vous verrez, c’est efficace… ». Y avait bien qu’une bonne femme pour se laisser avoir à chaque fois. Ah, si seulement il était pas allé boire un coup, t’aurais vu s’il lui aurait refilé toute la panoplie, l’enfoiré.
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