A/1 : Si nous faisions connaissance ?
Les filles n’avaient rien perdu des allées et venues de leurs nouveaux voisins durant leur emménagement, puis Laurène avait entraîné une Sally réticente, de l’autre coté de la rue où les deux jeunes filles partageaient avec trois de leurs amies la location d’une petite maison.
- Tu vois ce que je vois Sally ? Ils sont chez eux, chiche qu’on leur rend une petite visite !
- Han-nan, Laurène, ils viennent juste d’arriver, c’est trop sans gêne. On a bien le temps de faire leur connaissance. On finira bien par les rencontrer un jour ou l’autre.
- Ma pauvre Sally, toi, t’es du genre à crever de soif devant la fontaine. Tu te rends pas compte, cinq garçons ! Un pour chacune d’entre nous, si on sait y faire.
- Nan, je t’assure, qu’est ce qu’ils vont penser ? Ca ne se fait pas de faire les premiers pas comme ça. Viens, on s’en va.
Mais Laurène n’était pas fille à se laisser démonter.
- Tiens, regarde, voilà déjà Vilma qui rapplique. Si on attend trop, les autres seront là d’ici peu de temps. Moi j’ai pas l’intention d’attendre qu’elles aient fait leur choix. On était les premières, c’est à nous de choisir en premier. Si t’as la trouille, je veux bien prendre les devants. On n’a qu’à dire qu’on vient leur souhaiter la bienvenue dans le quartier. Ce sont des choses qui se font, tu sais.
- Nan, Laurène, nan, implora Sally, ce qui n’eut aucun effet sur une Laurène décidée
- Ce que tu peux être empotée ! C’est pas en restant dans ton trou que tu trouveras à te marier. Crois-moi, les célibataires, ça ne court pas les rues. On a la chance d’en avoir juste en face de chez nous, il faut savoir en profiter. Je vais sonner, on verra bien ce qui se passera. Au pire, s’ils nous jettent dehors, on aura eu le mérite d’essayer.
Dans la maison, les garçons mettaient leur premier jour à profit pour essayer de glaner quelques points de compétence. André fut le premier à réagir
- Vous n’avez rien entendu ? J’ai l’impression qu’on a sonné
Miguel Damor, jeta un œil par la fenêtre et aperçut les trois jeunes filles
- Wouaouh, des nanas ! Laissez les gars, vous dérangez pas, j’y vais !
André protesta
- Et pourquoi, toi, Miguel ? C’est moi qui ai entendu la sonnette
- Parce que, toi et Joë vous étudiez la cuisine, qu’Abdoul s’entraîne à parler et que Jean-Paul, on ne sait pas où il est encore fourré. Je suis le seul dispo, c’est pas une bonne raison, ça ?
Un sourire carnassier aux lèvres, il salua Laurène
- Ca, pour une surprise, c’est une bonne surprise ! Vénus en personne est venue frapper à notre porte
- Hi-hi, Vénus, comme vous y allez ! Nan, moi ce n’est que Laurène.
- Laurène… quel prénom charmant. Aussi charmant que celle qui le porte. Que nous vaut le plaisir de votre visite, Laurène ?
- Hé-bien, je suis votre plus proche voisine, et je suis venue vous souhaiter la bienvenue dans le quartier. J’espère que ça ne vous dérange pas.
Vous pensez comme ça le dérangeait. Lui qui n’avait pas arrêté de se plaindre de devoir partager avec un des garçons le lit à deux places qu’il avait tenu à installer dans l’une des deux chambres minuscules. - Me déranger ? Mais pas du tout, au contraire ! Je donnerais cher pour être dérangé tous les jours par une aussi charmante personne. Je me sentais un peu seul justement. Je suis un homme de contact, moi. André s’était empressé de ranger son livre de recettes et se précipita à la rencontre de Vilma. Sally, demeurée en retrait, ne savait pas quelle attitude adopter Elle s’apprêtait à tourner les talons quand Jean-Paul lui avait sauté dessus Sally se sentit soulagée; un beau sourire illumina son visage Jean-Paul la regardait avec bienveillance. Elle s’enhardit à demander De son côté, Miguel Damor avait entrepris de draguer Laurène.
- Et comment je fais, moi, si je ramène une fille ? On fait lit à trois ?
- Rêve pas ! avaient rétorqué les autres, D’ici que tu fasses des connaissances, on aura eu le temps de faire des agrandissements dans la baraque.
Et voilà que le ciel répondait à ses prières en lui envoyant une proie toute prête à tomber dans ses filets de séducteur.
- Heu… comment dois-je vous appeler ?
- Ah, je manque à tous mes devoirs, je ne me suis pas présenté : Miguel Damor, pour vous servir. Mais, tu peux me tutoyer, ajouta-t-il d’un ton engageant.
- Salut, moi c’est André Doniste, je vois que Miguel manque à tous ses devoirs, il a l’air complètement envoûté par votre copine
- Bonjour, moi c’est Vilma. Je passais devant votre maison par hasard quand j’ai aperçu mes amies. Vous allez croire à une invasion
Ce n’était pas que Vilma soit spécialement gênée. N’était-ce pas elle qui avait alerté Donna et Mandy du manège de Laurène : Les filles, faites gaffe, Laurène a entrepris les travaux d’approche. Si on reste les bras croisés, il va nous rester que des miettes. Venez, toutes, nous aussi, on va aller saluer les gars. Mais Mandy, plus réservée, avait décliné l’offre en objectant : On ne va pas aller les envahir dès le premier jour. On aura bien le temps de faire connaissance.
Comme vous voulez, avait répondu Vilma. En tous cas, moi, j’y vais. Pas question de laisser le champ libre à Laurène. Elle savait bien ce qu’elle faisait en demandant à Sally de l’accompagner. La pauvre fille doit être dans ses petits souliers, timide comme elle l’est. Elle avait eu raison, la preuve : André ne semblait pas du tout choqué de les voir arriver à trois.
- Il y a des invasions moins agréables. Si vous voulez vous donner la peine d’entrer, nous pourrons faire connaissance.
- Je n’aurais jamais dû accepter de suivre Laurène. Elle a un de ces toupet ! Qu’est-ce qu’ils vont penser de nous ? On se jette dessus comme si on était en mal de mâles, bougonnait la timide Sally. Regardez-moi ça, Vilma et Laurène ont déjà un garçon pendu à leurs basques, et moi, je fais tapisserie, comme d’habitude. Bon, ben, je crois que je vais rentrer. Voilà ce que c’est que d’être timide. Je n’oserai jamais me jeter à leur tête comme elles le font. J’en profiterai pour faire un tour au commissariat, sait-on jamais, ils auraient peut-être une place à me proposer.
- Hep-là ! Pas si vite, jeune fille, vous n’allez pas partir comme ça ! Je me présente : Jean-Paul Pullaire. Ce n’est pas tous les jours qu’on a le plaisir de recevoir de la visite.
- Enchantée, Jean-Paul, moi c’est Sally. Vous… vous êtes sûr qu’on ne vous dérange pas ?
- Mais au contraire ! Nous venons d’arriver à Felicidad, et nous ne connaissons personne. J’éprouve toujours un grand plaisir à faire de nouvelles rencontres, lui assura Jean- Paul.
- Heureuse de savoir que ça vous fait plaisir. Voyez-vous, mes amies sont un peu… comment dirais-je ? Culottées, c’est le cas de le dire. Vous auriez peut-être préféré qu’on vous laisse tranquilles, le temps de vous habituer un peu dans ce quartier. Nous ne resterons pas très longtemps de toute façon, prévint-elle. Mais Jean-Paul était visiblement ravi de cette visite impromptue.
- Vous pouvez rester le temps que vous voudrez. Je ne commence mon travail que demain. Je vous assure que vous ne nous dérangez pas le moins du monde.
- Vous travaillez dans quelle partie ?
- La politique. Enfin, pour le moment, je me contente de coller des affiches. J’étais conseiller municipal dans mon patelin, ici, il faut encore que je fasse mes preuves. D’ailleurs, si vous pouviez me présenter d’autres personnes. Pour réussir en politique, il vaut mieux être bien introduit.
Ca tombait mal. A part ses quatre amies, elle ne connaissait personne. Elle s’en excusa
- Je ne demanderais pas mieux, mais voyez-vous, il n’y a pas si longtemps que nous-mêmes sommes arrivées à Felicidad.
Jean-Paul ne sembla pas trop déçu.
- C’est un joli nom, Felicidad, vous ne trouvez pas ? Un nom qui promet bien des choses et j’espère qu’il tiendra toutes ses promesses. Felicidad, c’est un peu la cité du bonheur.
- Dites-moi, Laurène, avec des yeux comme ça, tu dois avoir un amoureux. Il est pas trop jaloux, j’espère.
- Hé-non, pas d’amoureux en ce moment. Mon cœur est libre comme l’air
- Vrai ! Mais alors j’ai toutes mes chances. Tu me trouves comment ? Je te plais ?
-Hem, tu ne crois pas que tu vas un peu vite, là ? On se connaît à peine.
- Qu’est ce que tu veux, je suis comme ça, moi. Quand je vois une belle fille, je peux pas résister. Et tu es très belle, Laurène, on a déjà du te le dire cent fois.