A/18 : Au bonheur de Donna
Mandy fila d’un trait préparer toutes ses petites affaires. C’est rien de dire qu’elle était pressée de rejoindre son Joë, elle prit quand même le temps de se changer et annonça la nouvelle à Donna.
- Je vous quitte les filles, Joë m’a demandé d’emménager.
- T’as bien réfléchi ? s’inquiéta Donna. Tu sais, la cohabitation avant le mariage, ça tue le plaisir de la découverte. Après, c’est comme si vous étiez déjà un vieux couple. Regarde Miguel et Laurène, il la traite déjà comme sa bonne. Les bonnes habitudes, ça se prend dès le départ, après, tu peux toujours courir pour faire marche arrière.
Mais Mandy ne voulait rien entendre
- Taratata, Miguel, y a qu’à le regarder pour voir le genre de mari qu’il fera. Marié ou pas, ça n’aurait fait aucune différence. Mais Joë n’est pas comme ça. Je suis sûre qu’on s’entendra bien. Au fait, qu’est ce qu’ils fichent Laurène et Miguel ? Ils comptent coucher là-bas ou quoi ?
- Je ne sais pas, répondit Donna. Quand je suis partie, Miguel vidait les fonds de bouteille. Bon, alors, si tu t’en vas, je te dis au-revoir, je dois aller au centre commercial.
- Tu penseras à remplir le frigo ? J’ai remarqué qu’il était quasiment vide ce matin. Enfin, ce que j’en dis, c’est pour vous, moi maintenant… Tu vas faire quoi, au centre commercial ?
- Ha-ha, c’est un secret !
Mandy fit la moue
- C’est pas gentil de faire des cachotteries. C’est si secret que ça ?
Donna sourit
- Nan, je peux bien te le dire, je dois y retrouver Abdoul. Je crois qu’il va me demander de l’épouser, chuchota-t-elle. Alors, je voudrais acheter une nouvelle robe pour lui faire plaisir. Il n’aime pas les filles en pantalon.
- Tu m’en diras tant ! Bonne soirée alors, moi j’y vais !
- Vous êtes sûre que vous ne voulez pas rester dîner avec nous ? demandait Joë à Laurène qui avalait un jus de fruit en attendant son homme.
- Nan, vous êtes gentil Joë, mais je crois que je vais rentrer maintenant, cette journée a été merveilleuse, mais fatigante, vu mon état. Quand vous verrez Miguel, dites-lui que je suis rentrée, je sais pas ce qu’il fabrique encore.
- J’y manquerai pas… si je le vois, on ne le trouve nulle part, il est peut-être déjà parti ?
- Sans moi ? s’étonna Laurène. Il m’aurait avertie, tout de même. Enfin ça, y a rien de moins de sûr, avec lui, faut s’attendre à tout.
Il lui restait à négocier avec André.
- Heu, André, si ça te fait rien, j’aimerais bien que tu me laisses le lit de Miguel.
- En quel honneur ? s’enquit André
- Hé-bien, j’ai demandé à Mandy d’emménager, tu vois
- Ah ? T’as demandé l’avis à qui ? Et si je voulais demander à Vilma de le faire ? Et si Abdoul voulait faire emménager Donna ? Tu décides, tu fais tes petites affaires, et nous ? On compte pour du beurre ?
Joë n’était pas du genre colérique, mais il sentit la moutarde lui monter au nez
- Si vous en aviez l’intention, vous n’aviez qu’à le faire. Il se trouve que c’est moi qui en ai eu l’idée le premier. Alors, plaise ou plaise pas, c’est comme ça et pas autrement. Et chut, la voilà ordonna-t-il en voyant apparaître Mandy.
- Vous parliez de quoi ? Vous parliez de moi ? demanda Mandy qui avait saisi la fin de la conversation.
- Heu, j’expliquais à André que nous aimerions avoir la chambre de Miguel.
- Et alors ? Il est pas d’accord ? Elle interrogea André du regard
- Si-si, c’est juste que ça surprend. Surtout venant de Joë. Il nous a pas habitués à ramener des filles ici.
Mandy planta ses yeux dans ceux d’André et lui mit les points sur les « i »
- Mon petit André, je vais vous dire une chose : Joë ne ramène pas « une fille », il ramène, sa fiancée. C’est que temporaire de toute façon, dès que nous serons mariés, nous irons nous installer dans le nouveau lotissement. N’est ce pas Joë ?
Joë approuva. Pour se donner une contenance, André fit mine de débarrasser la table.
-Laissez, je vais le faire ! ordonna Mandy. Il faut bien que je me rende utile à quelque chose.
Abdoul avait téléphoné à Donna pour l’informer qu’il n’arriverait pas avant neuf heures. Un gros client, une affaire à ne pas manquer qui pourrait lui amener une promotion s’il arrivait à conclure, lui avait-il expliqué, pestant contre les clients qui se croyaient tout permis et le métier de commercial qui, à ses yeux, ne présentait que des inconvénients.
Bien qu’un peu déçue, Donna lui avait assuré qu’elle comprenait : Les affaires sont les affaires. Mais ça ne faisait pas tellement la sienne : elle avait deux heures à tuer. Avant de faire les boutiques, elle décida d’aller boire un café au bar.
Au moment de partir, elle aperçut André et voulut aller le saluer. Mais André n’était pas d’humeur. En la voyant approcher, il se leva précipitamment et répondit à peine à son bonsoir.
- Bonsoir, Donna, excusez-moi, je faisais une pause, mais faut que je retourne au travail maintenant.
Cette explication la laissa songeuse. Depuis quand les patrons accordaient-ils des pauses ? Elle avait toujours entendu dire que MacSim, c’était le bagne pour les employés. Pas une minute de répit, le hamburger, ça n’attend pas.
Oh, et puis, après tout, c’était pas ses affaires. Si André se permettait de prendre des pauses, c’est qu’il en avait le droit. Elle se mit en quête d’une nouvelle robe en espérant qu’elle plairait à Abdoul. A la caisse elle demanda la permission de changer de vêtements.
- Je sais que normalement, ça ne se fait pas, mais j’aimerais tellement porter cette tenue ce soir même, expliqua-t-elle à la vendeuse.
Celle-ci lui fit une fleur.
- Allez-y, mais ne l’ébruitez pas, je risquerais d’avoir des ennuis avec mes patrons.
Abdoul arriva enfin, un compliment aux lèvres
- Comment fais-tu pour être encore plus belle chaque fois que je te retrouve ?
Donna rougit de plaisir.
- C’est ma jupe. Je sais que tu aurais préféré une robe, mais j’ai rien trouvé de bien. Et puis une jupe, c’est plus facile à porter. J’aime pas trop me mettre en grand tralala, j’ai l’impression d’être déguisée et que tout le monde me regarde.
Abdoul se rapprocha
- Mais tout le monde te regarde ! C’est normal, tu es si belle Donna. Quoi que tu portes, tout te va. Mais je te remercie d’avoir choisi une jupe, tu t’es souvenue que j’aimais les femmes très féminines, c’est une belle preuve d’amour. Moi aussi, j’ai une preuve d’amour pour toi, ajouta-t-il en l’entraînant un peu plus loin.
Même si elle s’y attendait, Donna ne put retenir un cri en découvrant la bague qu’Abdoul avait choisie pour elle.
- Oh, mais non, non, c’est trop beau, je n’oserai jamais porter ça. Tu n’aurais pas dû Abdoul, tu te rends compte, le prix que ça coûte, une bague pareille ?
- C’est la plus belle que j’ai pu trouver, confirma Abdoul. La plus belle bague pour la plus belle fille. Accepte-la, Donna, rien ne saurait me faire plus plaisir que de te voir la porter.
Bien que se disant que c’était une pure folie, Donna ne put résister à l’envie de la mettre à son doigt. Quelle femme y résisterait ? Une telle preuve d’amour, ça ne se refuse pas.
- T’as vu la bague que ce type vient d’offrir à cette fille ? Il doit être cousu d’or, elle est splendide. C’est un solitaire, pour sûr, mais un solitaire comme j’en ai jamais vu, et je crois bien que j’en verrai jamais. Du moins, pas sur moi, hélas, commenta une cliente qui avait assisté à la scène.
- Bof, je vois pas ce qui te fait dire que c’est un solitaire. Mais même ! Je trouve que c’est de la connerie de gaspiller autant de simflouzes pour une bague. Il vaut mieux se payer une bagnole, tu crois pas ? répondit son jules.
- Moui, peut-être… mais quand même, elle est rudement belle. Il doit l’aimer à la folie pour lui offrir une bague pareille, dit la fille avec une pointe d’envie. L’homme se crut obligé de plaider.
- Ca veut rien dire, moi aussi, si je savais pas quoi faire de mon fric je t’en offrirais une pareille… sauf que c’est pas le cas.
Ils se promenèrent longuement, main dans la main, profitant de tous les coins sombres pour échanger de longs baisers : passionnés, langoureux, tendres, amoureux… toute la série y est passée. Abdoul alla même jusqu’à se mettre à genoux pour lui chanter la sérénade.
Bien entendu, après un si bel hommage, les baisers reprirent de plus belle. Donna se défendait mollement,
- Abdoul, si on nous voyait ?
- Mais qu’on nous voit ! Ca m’est égal ! Tout le monde verra à quel point je suis amoureux de toi. Il faut nous marier, Donna, nous marier vite, je ne peux plus vivre sans toi. Je t’aime, je t’aime, je voudrais pouvoir le crier, le chanter et que tout le monde le sache.
Hélas, jouer à Roméo et Juliette au clair de lune, ça ne peut pas durer éternellement. Il fallait songer à rentrer. Ni Donna, ni Abdoul ne montraient le moindre empressement, et pourtant, le lendemain, il faudrait reprendre le travail. C’est à regret qu’ils prirent place dans la voiture.
Vingt fois, ils avaient décidé « Bon, on rentre, maintenant » et vingt fois, ils avaient repoussé l’échéance. Comment Abdoul aurait-il pu résister quand Donna le fixait de ce regard là, les lèvres appelant de nouveaux baisers ? Il inclina le siège de la Smoogo.
Ils ne se quittèrent qu’au matin, ayant passé la fin de la nuit dans les bras l’un de l’autre. Abdoul ne demanda pas
- Alors, heureuse ? Il laissait ça aux Miguels. Et d’ailleurs, était-il besoin de poser la question ? Donna transpirait le bonheur.
- Je m’occupe du mariage, ne te fais aucun souci, dit-il en lui caressant gentiment la joue. Je fais tout livrer chez vous, je trouve que le cadre s’y prête mieux.
- Le mariage ? Déjà ? Mais j’ai même pas choisi ma robe, regretta Donna, il faut me laisser un peu de temps.
- J’ai dit que je m’occupais de tout. Tu recevras ta robe avec le reste. Je te l’ai pas dit ? Je l’ai eue ma promotion. Je payerai tout ça avec ma prime.