C/5 : Joyeux anniversaire ! Enfin…non
J’avais le cœur serré de reprendre mon travail en laissant mon petit Thomas aux soins de la nounou. Je l’imaginais pleurant dans son lit pendant que madame lisait le journal ou se prélassait dans le bain à remous. Si j’avais été certaine qu’Abdoul n’aurait rien dit, je me serais pris une journée de congés payés. Mais sûr qu’il aurait trouvé à redire. Je l’entends d’ici :
-Rha Dona ! Comment font les autres ? T’es ni la première, ni la dernière à devoir aller travailler en faisant appel à une nourrice. Tu veux en faire une poule mouillée de ton fils ? L’élever dans les jupons de sa mère ?
Toute la journée, je me suis rongé les sangs. Comment ça se passait à la maison en mon absence ? Est ce que Thomas avait bien pris ses biberons ? Est ce que Karelle prenait le temps de jouer un peu avec lui avant de le remettre au lit ? C’est qu’il a besoin qu’on s’occupe de lui, ce petit. Et c’est au moment où je m’apprêtais à téléphoner pour demander si tout allait bien qu’on me demande de donner un coup de main aux déménageurs pour transporter un piano.
Un piano ! Nan-mais, ils m’ont bien regardée ? J’ai prétexté un mal de dos et je me suis offert une petite séance de kiné. Ca m’a détendue et reposée. Cétait pas du luxe, depuis deux jours je me sens plus fatiguée que jamais.
Quand je suis enfin rentrée, la fatigue avait repris le dessus. Je pense de plus en plus souvent à démissionner de mon travail. Le sport, c’est beaucoup trop physique, j’aurais dû choisir la cuisine, la politique, voire la médecine, mais devenir idole du stade, très peu pour moi. Ce qui me conviendrait le mieux, ce serait encore un petit travail à domicile. Seulement, il faudrait qu’Abdoul soit d’accord. Créer un commerce chez soi, au départ, ça entraîne des frais. D’autant qu’on n’est jamais certains de la réussite.
Quel dommage que Thomas ne puisse pas parler. Je l’aurais interrogé, il aurait pu me raconter comment s’était comportée Karelle. Mais là… enfin, il semblait aller bien et j’ai pu aller me reposer rassurée.
Abdoul cueillait ses simflouzes sur la terrasse quand il eut la surprise de voir débarquer André et Vilma. Il me prévint
- Hé Dona, qu’est ce qu’on fait ? On fait comme si on n’avait rien entendu ou on leur dit d’entrer ?
- Ah, parce qu’André est là aussi ? m’étonnai-je.
J’avais demandé à Vilma de passer fêter avec nous l’anniversaire de Thomas, en me gardant bien de parler d’André. D’autant qu’Abdoul de son côté, avait déjà contacté Jean-Paul et Joë. Mais puisqu’il était là, difficile de le mettre à la porte.
Abdoul alla donc le saluer sans grand enthousiasme
- Ca, pour une surprise ! T’es pas au boulot à cette heure-ci ? T’as pu prendre un jour de congés ?
- Nan, aujourd’hui, je travaillais pas, alors quand Vilma m’a dit qu’elle allait à l’anniversaire de Thomas, j’ai décidé de l’accompagner. Tu sais que je raterais une fête pour rien au monde, expliqua-t-il.
J’ai glissé à Vilma
- Houla, André n’était pas prévu. Tu sais qu’il va y avoir Joë ? Ca risque de mal se passer.
- T’inquiète, Dona, je vais le calmer, m’a-t-elle assuré. Et je l’ai entendue lui faire la leçon.
- Je t’avertis : il risque d’y avoir d’autres invités. Toi tu l’étais pas, alors, je veux pas d’histoires. On est là pour s’amuser. C’est bien compris ?!
André se récria
- M’enfin ! Dis tout de suite que je sais pas vivre ! J’ai pas pour habitude de faire des histoires pour rien.
- Même avec Joë ? insista Vilma.
Entre parenthèses, je la trouve très en beauté Vilma. Elle a bien fait de changer de style. Sa mini-jupe lui va à ravir.
Mais quand elle prononça le nom de Joë, André ne se contint plus.
- Pourquoi ? Joë va venir aussi ? Me parle pas de cet abruti ! C’est lui qu’arrête pas de me chercher. T’as qu’à voir, tiens, rien que pour la poubelle…
Je ne sais pas ce qu’il voulait insinuer avec son histoire de poubelle, mais Vilma avait l’air au courant
- André ! Pour la poubelle, je t’ai déjà dit que ça pouvait être n’importe qui. Cesse de faire une fixation sur Joë ! Si tu veux pas le voir, personne te retient.
Il aurait mieux fait de suivre son conseil. Mais il s’arrangea pour changer de conversation en critiquant Kérine, notre bonne.
- Pfff, c’est un uniforme de bonne, ça ? Elle pouvait pas le choisir plus court ? Y aurait que moi, comment je l’enverrai se rhabiller. C’est une honte, on voit même le haut de ses bas.
- Ah-wé ? T’as remarqué ça, toi ? reprit Vilma. Ben, un conseil : tu regardes ailleurs, comme ça, ses bas, tu les verras pas.
Sur ces entrefaites, Joë est arrivé. J’ai envoyé Abdoul l’accueillir en lui précisant de l’avertir de la présence d’André.
- Dis lui bien que c’est l’anniversaire de Thomas et que je veux pas d’histoires.
D’après Abdoul, il n’avait pas semblé s’en faire
- Ah, il est là, l’enflure ? Fallait bien se douter qu’il raterait pas une occasion de s’incruster à une fête.
- Tu te tiens tranquille, hein ? lui recommanda Abdoul.
- Tu me connais, nan ? répondit Joë.
A la réflexion, il n’avait rien promis. Pas plus qu’André, d’ailleurs. On aurait dû se méfier.
Jean-Paul et Vilma cassaient une petite croûte en attendant que la fête commence. Mais dès que Joë entra, André le salua d’un :
- Ah, le voilà, le renverseur de poubelle. Ca va, t’as pris ton pied ? Essaye seulement de recommencer, pour voir, qu’on rigole un peu.
Tel que ça avait démarré, il n’y eut plus moyen de les arrêter
- Quoi ?! Quoi ?! Qu’est ce que c’est que cette invention ?! Nan-mais, faut arrêter la parano, toi. J’en ai rien à foutre de ta poubelle ! hurla Joë. Puis il avisa :
- Ah-mais, je comprends, tout maintenant ! C’était TOI, qui jouais à ce petit jeu. TOI, qui t’es amusé à venir renverser la mienne ces derniers temps, TOI, TOI, et encore TOI !
Et à chaque fois qu’il prononçait « toi », il le poussait du doigt.
- CA SUFFIT !! cria Vilma. André, tu te calmes !
- Mais ! C’est pas moi, c’est lui, qui…
- Je veux pas le savoir ! T’avais promis de pas faire d’histoires ! coupa Vilma. C’est malheureux, on peut jamais te faire confiance.
André se contenta de menacer
- Tu perds rien pour attendre, sale type !
Tandis que Joë, tout fier de lui, ricanait dans sa barbe
- C’est ça ! Prends tout ton temps, je suis pas pressé.
Il approcha Thomas du gâteau en ordonnant à André
- T’as pas bientôt fini, avec ta trompettes ? Tu vas faire peur au petit.
Tout le monde rengaina trompettes et crécelles et un silence pesant s’installa.
Thomas grandit devenant un magnifique petit garçon. Mais la fête était un véritable naufrage. J’étais désespérée. Abdoul ordonna
- Cassez-vous maintenant ! Je veux plus vous voir.
Vilma poussa André dehors en se confondant en excuses. Mais Joë et Jean-Paul semblèrent n’avoir rien entendu.
Abdoul était effondré. Il avait tellement espéré que la fête soit une réussite. Il s’assit sur le canapé, les yeux remplis de larmes, tandis que je m’empressai de mettre Thomas sur le pot.
Jean-Paul et Joë virent l’y rejoindre. Jean-Paul fit de son mieux pour le consoler
- Bah, t’en fais pas, vas ! T’auras l’occasion d’en faire d’autres des anniversaires ! Et puis, moi, j’ai pas trouvé que c’était si nul que ça. L’important, c’est que ton fils ait bien grandi, nan ?
Joë, lui ne disait rien. Il se rendait peut-être enfin compte qu’il était quand même responsable de ce gâchis.
-Bon… ben, je vais peut-être y aller, finit-il par lâcher l’air embêté. En tous cas, félicitations, vous avez vraiment un beau petit garçon. Heu… Audrey aussi a fêté son anniversaire ? Mais nous, on n’a pas donné de fête. La prochaine fois, peut-être ? Hem, Dona… je suis bien ennuyé pour Abdoul. Tu crois qu’il va m’en vouloir ?
Je tentai de le rassurer.
- Bof, tu sais, avec un peu de chance, d’ici quelques jours, il y pensera plus. Mais tu ferais peut-être mieux de t’expliquer avec lui au téléphone. Aujourd’hui, c’est pas le jour. Il est sous le coup de la déception.
- T’as raison, c’est ce que je vais faire, promit Joë.
Jean-Paul resta encore un peu, s’efforçant de remonter le moral de mon mari.
- Tu dois quand même être content que ton fils ait grandi. Il va commencer à devenir vraiment intéressant. Tu vas pouvoir lui apprendre à parler, à marcher, à être propre… c’est quand même autre chose qu’un bébé. Moi j’ai hâte que ma fille grandisse aussi.
- Oui, si Dona me laisse l’approcher, répondit Abdoul. D’ici qu’elle veuille tout lui apprendre elle-même.
- Meuh-nan, elle est pas comme ça ! Je suis sûr qu’elle sera contente que tu t’intéresses à lui. Et puis, mon vieux, as-tu remarqué ? Si elle est pas allée vingt fois aux toilettes pendant la fête… c’est des signes qui trompent pas, ça. Elle va avoir de quoi s’occuper.
- Nan ! Tu crois que… tu penses qu’elle serait ???
- Enceinte, oui !
- Enceinte ? Et elle m’aurait rien dit ? T’as bien fait de m’en parler, mon vieux. Va falloir qu’on en discute.
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